Un lanceur d'alerte poursuivi
LuxLeaks, c'est quoi ?
LuxLeaks, c'est la révélation de centaines d'accords fiscaux conclus par le fisc luxembourgeois pour le compte de multinationales. Des centaines de milliards d'euros s'évaporent des pays où ces firmes mènent leurs activités réelles. Ces sommes colossales sont en fait transférées dans des juridictions où elles sont très peu taxées, notamment au Luxembourg.
Une quarantaine de médias internationaux, partenaires de l'International Consortium of Investigative Journalism (ICIJ), ont enquêté pendant plusieurs mois sur ces documents. L'échelle industrielle du système de planification fiscale agressive mis en lumière était jusque-là méconnue. Ces mécanismes n'avaient jamais été décrits avec autant de précision.
Quelles répercussions ?
Les réactions d'indignation se sont rapidement multipliées à travers le monde. Parmi les principales conséquences politiques, on peut citer la pression exercée sur Jean-Claude Juncker, Président de la Commission Européenne entré en fonction quelques jours seulement avant les révélations. Il avait en effet été Premier Ministre du Luxembourg de 1995 à 2013 et Ministre des finances de 1989 à 2009.
Jean-Claude Juncker a ainsi été conduit à proposer un projet de directive européenne sur l'échange automatique des accords fiscaux ("tax rulings"), dont Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques, a la charge. C'est déjà un grand pas car en avril 2014, le Luxembourg refusait de communiquer des documents demandés par la Commission Européenne dans le cadre d'une enquête formelle. De plus, de nouvelles législation et réglementation grand-ducales sur les accords de rulings devraient entrer en vigueur en 2015. Elles prévoiraient que ces accords soient publiés sous forme anonyme.
Par ailleurs, de nombreux responsables politiques européens appellent à relancer l'harmonisation fiscale dans l'Union Européenne, notamment via le projet de directive sur l’assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS).
Jean-Claude Juncker a aussi été poussé à porter le problème des "rulings" jusque dans les instances de gouvernance mondiale. Les États les plus puissants de la planète ont ainsi inséré une phrase à ce sujet dans le communiqué de presse du G20 à Brisbane en novembre 2014.
Le contexte politique et médiatique n'a jamais était aussi favorable pour une adoption rapide des recommandations faites par l'OCDE contre l’érosion des bases fiscales et le transfert des bénéfices (BEPS).
Bref, LuxLeaks, c'est une belle déflagration.
Un lanceur d'alerte poursuivi
Pendant ce temps, une despersonnes sans qui tout cela ne serait pas arrivé est poursuivi par la justice luxembourgeoise. Dans "LuxLeaks", il y a "leaks", ou fuite. A l'origine, il y a donc un lanceur d'alerte. C'est Antoine Deltour qui a copié une partie des documents des LuxLeaks.
Antoine Deltour a agi sans intention malicieuse et de manière totalement désintéressée. Il n'a jamais cherché à monnayer ses informations. Il a seulement souhaité favoriser le débat public sur des pratiques éthiquement condamnables. Son acte civique s'inscrit dans un large mouvement animé de nombreux citoyens, de petits entrepreneurs, d'autres lanceurs d'alerte, de syndicats, d'ONG, de journalistes, de partis politiques et même d'institutions internationales, tous déterminés à agir contre l'opacité de la finance offshore et pour davantage de justice fiscale.
Alors qu’il avait démissionné du cabinet d’audit qui l’employait, Antoine a cherché à capitaliser son expérience professionnelle en copiant des documents de formation. Il est alors aussi tombé sur les « tax rulings » dans la base informatique de son employeur. Consterné par leur contenu, il les a aussi copiés. Il a conservé pendant plusieurs mois les accords fiscaux, jusqu'à ce qu'un journaliste le contacte. Antoine lui a alors confié les documents en question, qui ont fait l’objet de plusieurs émissions télévisées. Sans avoir été en contact avec l'ICIJ, Antoine se réjouit des répercussions du travail du consortium. Elles sont en accord, pour la plupart, avec les convictions qui l'ont motivé. Il trouve seulement un peu injuste que quelques multinationales soient mises au pilori alors que la pratique du ruling est largement répandue, y compris dans d'autres pays que le Luxembourg.
Antoine est aujourd'hui poursuivi par la justice luxembourgeoise. Antoine risque la prison et une condamnation financière très élevée. Il a besoin de votre soutien ! Chaque signature de la pétition sera peut-être un jour de prison en moins. On vous remercie par avance de signer et d'inviter tous vos amis à le faire !