Procès en appel :
Troisième audience
Nous sommes à nouveau une bonne cinquantaine de citoyens venus soutenir Antoine et ses co-inculpés ce mercredi 21 décembre pour la 3ème audience du procès en appel LuxLeaks. Le soutien ne flanche pas !
Plaidoirie de la partie civile
L’audience commence par la plaidoirie de Me Hansen, représentant la partie civile (la société PwC Luxembourg, ancien employeur d’Antoine). Au cours d’un discours sans surprise, reprenant parfois presque mot pour mot sa plaidoirie de première instance , Me Hansen qualifie le rôle de lanceur d’alerte d’« invention ex post facto » utilisée par la défense.
S’attaquant aux critères établis par la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, Me Hansen conteste tout d’abord la bonne foi d’Antoine en affirmant qu’il a copié les documents « par opportunisme », pour « piller le know-how [savoir faire]» de PwC dans « son intérêt privé », ou avec une « conception personnelle de l’intérêt général » ! Il mentionne avec insistance – en se gardant bien de l’évaluer – le préjudice causé par « une violation grave du secret professionnel ». S’attaquant finalement au principe de subsidiarité, Me Hansen reproche à Antoine d’avoir divulgué les documents sans précaution, « en bloc, par sensationnalisme »…
Le ton est également très accusateur envers Raphaël Halet. Me Hansen lui reproche d’avoir dans un premier temps voulu jouer au « détective », cherchant à identifier Antoine, avant de se déclarer lanceur d’alerte. C’est également le critère de l’intérêt collectif de ses divulgations –plusieurs déclarations fiscales, pourtant utiles pour juger de l’efficacité des tax rulings – qui lui est contesté.
Plaidoirie de Me Penning, avocat d’Antoine
Dès le début de sa plaidoirie, Me Penning fait appel à la conscience collective luxembourgeoise. Selon lui, si l’image d’Antoine n’a pas toujours été perçue positivement au Luxembourg, c’est avant tout car « nous ne voulons pas être forcés à réfléchir sur nous-mêmes ». Et de dresser un portrait élogieux d’Antoine, qui « sans histoire, en toute modestie, vient tout simplement tirer la sonnette d'alarme », et pour qui il plaide « l'acquittement sur toute la ligne ».
Me Penning ne manque d’ailleurs pas de souligner les nombreux soutiens moraux d’Antoine, ainsi que les multiples récompenses qu’il s’est vu décerner, dont le Prix du Citoyen européen 2015.
Concernant le préjudice causé, il compare ironiquement l’euro symbolique réclamé par PwC aux centaines de milliards échappant chaque année à l’impôt des États européens !
Plaidoirie de Me Bourdon, avocat d’Antoine
Après une courte suspension d’audience, Me Bourdon entame sa plaidoirie en imaginant un futur « abécédaire des lanceurs d’alerte», dans lequel « le nom d’Antoine Deltour sera écrit en lettres d’or ». L’avocat parisien ne voit qu’une « seule décision juste en droit : l’acquittement ». Il s’attaque ensuite avec fermeté à la partie civile, dénonçant leur «culot» et leur « audace » à ne pas évaluer le préjudice ; puis, s’adressant aux juges : « On se moque de vous ! ». Me Bourdon appelle ces derniers à la vigilance quant à l’« effet pervers » d’une « sacralisation du secret professionnel » : si Antoine Deltour est condamné, aucun lanceur d’alerte ne pourra jamais être protégé au Luxembourg.
Il s’attache ensuite, méthodiquement, à contrecarrer l’argumentation de l’Avocat Général, qu’il qualifie de « bricolage judiciaire ». Citant avec précision la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, il dénonce les critères « imaginaires » du réquisitoire de John Petry. Ainsi, l’« instantanéité » de la démarche du lanceur d’alerte n’est absolument pas exigée ; le critère de bonne foi est clairement respecté pour Antoine qui a agi « par conviction », avec une « honnêteté intellectuelle parfaite ». Me Bourdon dément ensuite que la protection des lanceurs d’alerte soit subordonnée à une quelconque obligation prudentielle ; il rappelle d’ailleurs que – comme l’a affirmé le journaliste Édouard Perrin – seul le caractère massif et nominatif des documents pouvait servir l’intérêt général. Abordant le principe de proportionnalité, il rappelle que le secret professionnel « ne peut être mis au service de la turpitude » face à un intérêt public bien plus grand. Il réfute tout préjudice financier, citant, de l’aveu même d’un de leurs dirigeants, une année record chez PwC et une augmentation de leur chiffre d’affaires après LuxLeaks !
Finalement, invitant les juges à acquitter Antoine, Me Bourdon leur prédit «l'honneur de la justice luxembourgeoise, l'honneur de la justice européenne ». La salle d’audience applaudit, longuement.
Rendez-vous en janvier !
C’est finalement deux audiences supplémentaires qui sont prévues, l’année prochaine :
- mercredi 4 janvier de 15h à 18h
- lundi 9 janvier de 15h à 18h
Le Comité de soutien organisera très certainement un déplacement collectif depuis la Lorraine, on compte sur vous pour venir, encore une fois, soutenir les inculpés !
Dans la presse…
- France Culture – Journal de 7h, Jeudi 22 décembre 2016 (à partir de 7'50")
- L'Essentiel – La partie civile conteste le statut de lanceur d’alerte
- L'Est Républicain – LuxLeaks : « Du bricolage judiciaire »
- Le Quotidien – Procès LuxLeaks : quand PwC fustige le « pilleur de know-how » et le « détective opportuniste »
- Le Quotidien – Procès LuxLeaks : « Vous devrez acquitter Antoine Deltour »
- Luxemburger Wort – Joute verbale au sujet des lanceurs d'alerte
- PaperJam – Le saint et l'opportuniste
- Vosges Télévision – Journal de mercredi 21 décembre
- Woxx – Luxleaks : Les cancres