Antoine Deltour se pourvoit en cassation !
Communiqué de Presse
Épinal, le 5 avril 2017
Antoine Deltour a partagé avec les adhérents du comité qui le soutient, réunis en assemblée générale le 5 avril 2017 à Épinal, sa décision de se pourvoir en cassation :
« L'arrêt du 15 mars de la Cour d'appel de Luxembourg fait un examen minutieux de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Cela conduit à mon acquittement, en tant que lanceur d’alerte, pour la violation du secret professionnel, ce qui est une première victoire et même une décision sans précédent s’agissant d’un juge national d’un des pays appartenant au Conseil de l’Europe. Mais paradoxalement, il aboutit aussi au maintien d'une condamnation pénale.
D’une part ; l’argumentaire juridique est très contestable. En effet, je suis condamné car je n’aurais pas démontré qu’au moment de la soustraction des documents, j’avais l’intention de lancer l’alerte. Or, ceci n’est, en aucune façon, un critère fixé par une jurisprudence bien établie de la CEDH.
D’autre part, la Cour d’appel de Luxembourg conteste cette intention au prix d’une déformation des faits que je n’accepte pas : elle dénature certaines dépositions, refuse de tenir compte de certaines preuves matérielles et va même jusqu’à me prêter des propos exactement contraires à ceux que j'ai prononcés en audience ! Comment expliquer qu’après 13 audiences, de nombreux éléments factuels soient encore interprétés de façon aussi inexacte ?
De plus, cette condamnation, outre qu’elle est contraire à la jurisprudence de la CEDH, aboutit paradoxalement à réduire la protection des lanceurs d’alerter en exigeant d’eux, quand ils soustraient des documents comportant des informations de grand intérêt général, à nécessairement avoir à l’esprit une stratégie délibérée, préméditée, faute de quoi, ils ne seraient pas protégés… Cela interdit aux citoyens de lancer l’alerte comme je l’ai fait après un travail de réflexion, voire d’hésitation quant aux conditions de lancement de l’alerte.
Je considère par conséquent que cette décision n’est pas caractéristique d’une décision équitable et il ne serait pas cohérent pour moi de ne pas user des recours que la loi m’offre. Je considère que le droit européen est absolument de mon côté.
Par ailleurs, malgré la longueur de la procédure qui s’engage et l’incertitude quant à son issue, une victoire pourrait renforcer le statut, encore jeune et fragile, du lanceur d’alerte. J’ai donc décidé, entouré de nombreux soutiens et citoyens, que ce combat judiciaire mérite d’être mené. »
Le Comité de soutien félicite Antoine Deltour pour le courage et la cohérence de cette décision. Au nom des quelque 500 organisations ou personnalités ainsi que des milliers de citoyens ayant exprimé leur soutien au lanceur d’alerte, nous sommes prêts à continuer le combat à ses côtés.
Au-delà de sa situation personnelle et de celle des autres prévenus de l'affaire LuxLeaks, il est question de clarifier la situation juridique de toutes les personnes qui, au Luxembourg ou ailleurs, sont actuellement en possession d'informations relevant de l'intérêt général dans leur cadre professionnel. Certaines hésitent à franchir le pas alors que leur conscience leur demande de le faire. Ces personnes devraient pouvoir effectuer leur devoir de citoyen sans avoir à être inquiétées d'un point de vue juridique. Plus d'un an après l'onde de choc des Panama Papers, il est urgent de protéger non seulement les lanceurs d'alertes effectifs, mais aussi de donner un signal à ceux qui veulent contribuer à l’information du public.
Le 15 mars dernier, la Cour d’appel du Luxembourg avait condamné Antoine Deltour à 6 mois de prison avec sursis et à une amende de 1 500 €, malgré la reconnaissance de son statut de lanceur d’alerte.
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